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Amandine Mohamed Delaporte

Follow-me/Suivez-moi

Follow-me/Suivez-moi, 2022, 9mn35

Entretien avec Mo Gourmelon

Amandine Mohamed Delaporte

Entretien Mo Gourmelon


Mo Gourmelon : Quelle est la genèse de « Follow-me/Suivez-moi » qui vous conduit à faire courir de nuit une athlète blessée sur un périphérique urbain ?


Amandine Mohamed Delaporte : A l’origine, il y avait l’envie de venir interroger de plus près cette voie rapide de Nice, objet urbain étrange, que depuis mon enfance je regarde. Cette route urbaine sillonnant à travers les toits de la ville, scindant des immeubles bourgeois de la belle époque pour y faire son chemin, est une curiosité résultant des planifications urbaines d’après-guerre.

Après avoir mené une enquête à propos de la construction de cet ouvrage d’art, depuis les archives et le long de cette route, il était également question d’incarner ce documentaire artistique par un point de vue personnel.


Comment donner corps et vie aux fantômes de cette masse de béton ?

En lui soustrayant sa fonction première, la circulation automobile, cette construction futuriste devient la nuit quand le paysage s’estompe un étrange décor quelque peu irréaliste.

L’image d’une personne courant sans cesse, s’épuisant et développant des blessures, m’a semblé être une métaphore de l’édification de cet ouvrage et de son maintien aujourd’hui. Et peut-être par cette image anticiper son devenir potentiel.


MG : Comment avez-vous dirigé votre actrice ?


AMD : Après avoir contacté un club d’athlétisme à Nice m’orientant vers Manon Cueto, et lui exposant mon projet, nous nous sommes rencontrées sur place, lors d’une phase de repérage. Nous avons découvert ensemble les contraintes spécifiques et techniques des lieux. Par la suite, je suis allée l’observer pendant ces entrainements, mesurant alors la précision de ses gestes, le déploiement de son corps dans le couloir de la piste, puissant, léger et rapide. De là, j’ai pu imaginer les scènes et les actions à tourner.

Durant le tournage, je l’ai assez peu dirigée, celui-ci étant adapté à son rythme, ce fut un moment assez libre laissant place aux imprévus.


MG : Quelles furent les instructions données au musicien ? Est-ce une commande ?


AMD : A la suite du tournage, j’ai cherché un artiste sonore ayant une bonne connaissance des lieux. C’est ainsi que je fus amenée à collaborer avec Kristof Everart artiste et musicien. La principale instruction donnée était la vibration, celle ressentie depuis l’habitacle d’une voiture et la perception de la résonance sous les piliers de la voie.


MG : On a l’impression d’entendre les battements cardiaques de l’athlète et une ambiance surréelle se déploie… Comment avez-vous pu agir hors de la circulation ?


AMD : L’athlète Manon, dans une maîtrise de sa fréquence cardiaque, la régule afin d’optimiser ses efforts et sa performance. L’entrée dans cet état semi-méditatif par la concentration sur les battements du cœur m’a semblé être en écho avec ce paysage urbain nocturne.

D’un côté, des sons sourds, étouffés et des battements cardiaques, de l’autre des basses, ultra-basses et des résonnements métalliques, qui en alternance font chavirer entre tension et apaisement ce rêve éveillé.

Quant à la circulation, nous avons pu tourner car la voie était fermée pour entretien. Il n’aurait pas été possible de faire ces images autrement.


MG : Comment se situe Follow Me/Suivez-moi dans l’ensemble de votre travail ?


AMD : Concernant mes précédentes vidéos, elles remontent à quelques années auparavant, pour des raisons diverses, cette pratique avait été mise de côté.

Follow Me/Suivez-moi, est un retour vers le médium, vers une pratique qui me permette d’être au plus proche de la perception et du ressenti. C’était l’élément manquant de cette enquête artistique documentaire menée à propos de l’autoroute urbaine sud de Nice.


MG : Pouvez-vous nous présenter votre travail dans son ensemble ?

AMD : De manière générale, je m’intéresse au béton, qui par sa plasticité, ce matériaux a été employé massivement dans l’architecture moderne et à transformer le paysage d’après-guerre.

Pour cela, j’enquête à propos d’un ouvrage ou d’un site, issu des grandes planifications urbaines après 1950. Depuis ses archives, je relis son historique et l’édification du projet et sur le terrain j’observe et découvre un demi-siècle plus tard comment celui-ci s’est ancré dans cet environnement. Les photographies de chantier et documents techniques me permettent de produire des sculptures-maquettes mais également d’en faire un récit qui mêlent documents retravaillés, images photographiques et vidéo.


MG : Vous êtes co-organisatrice du festival Lyon 9PH Photographie et image contemporaine. Qu’est-ce ?


AMD : En 2018 avec Anna Tomczak, nous avons pris la suite du festival Lyon Septembre de la Photographie, créé par Gilles Verneret en 2001. C’est ainsi qu’est né 9PH Photographie et image contemporaine, 9 pour septembre et PH pour photographie.

Celui-ci est un micro événement, composé de tables-ronde, dialogue et de la Nuit de la photographie (une projection en plein-air).

Chaque édition aborde une thématique qui oriente nos choix d’invitation de photographes, artistes et théoriciens de l’image.

Lors de ces rencontres publiques, le thème de l’année est débattu sous différents angles et approches, permettant alors de partager nos questionnements et interrogations quant à l’image et la photographie actuelle.


MG : Quels sont ces thèmes et quel est les florilèges des photographes invités ?

Quelle est l’édition 2024 ?


AMD : Les thèmes sont autour de l’urbain, de son environnement et de ces récits. Comment nous faisons société dans ou hors de la ville. Les invitations sont assez ouvertes et tentent d’être complémentaires des autres événements similaires en France.

En ce qui concerne l’édition 2024, nous ne pouvons pas encore nous prononcer…


Juin 2024

May 2024

Interview with Mo Gourmelon

Amandine Mohamed Delaporte

Interview Mo Gourmelon


Mo Gourmelon: What is the genesis of “Follow-me/Suitez moi” which led you to have an injured athlete run at night on an urban ring road?


Amandine Mohamed Delaporte: Originally, there was the desire to come and examine more closely this expressway in Nice, a strange urban object, which I have looked at since my childhood. This urban road crisscrossing across the roofs of the city, splitting bourgeois buildings from the Belle Epoque to make its way, is a curiosity resulting from post-war urban planning.

After carrying out an investigation into the construction of this work of art, from the archives and along this route, it was also a question of embodying this artistic documentary from a personal point of view. How can we give body and life to the ghosts of this mass of concrete? 

By subtracting its primary function, automobile traffic, this futuristic construction becomes at night when the landscape fades into a strange, somewhat unrealistic setting.

The image of a person constantly running, exhausting themselves and developing injuries, seemed to me to be a metaphor for the construction of this work and its maintenance today. And perhaps through this image we can anticipate its potential future.

The image of a person constantly running, exhausting themselves and developing injuries, seemed to me to be a metaphor for the construction of this work and its maintenance today. And perhaps through this image we can anticipate its potential future.


MG: How did you direct your actress?


AMD: After contacting an athletics club in Nice directing me to Manon Cueto, and explaining my project to her, we met on site, during a scouting phase. We discovered together the specific and technical constraints of the places. Subsequently, I went to observe him during these training sessions, measuring the precision of his movements, the deployment of his body in the corridor of the track, powerful, light, and fast. From there, I was able to imagine the scenes and actions to shoot. During the filming, I directed her very little, this being adapted to her pace, it was a fairly free moment leaving room for the unexpected.


MG: What were the instructions given to the musician? Is this an order?


AMD: Following the filming, I looked for a sound artist with good knowledge of the locations. This is how I was led to collaborate with Kristof Everart, artist and musician. The main instruction given was the vibration, that felt from the passenger compartment of a car and the perception of the resonance under the pillars of the track.


MG: We have the impression of hearing the athlete's heartbeat and a surreal atmosphere unfolds... How were you able to act out of traffic?


AMD: The athlete Manon, in controlling her heart rate, regulates it in order to optimize her efforts and her performance. Entering this semi-meditative state through concentration on the heartbeat seemed to me to resonate with this nocturnal urban landscape.

On one side, muffled, muffled sounds and heartbeats, on the other, ultra-bass and metallic resonances, which alternately make this waking dream flip between tension and calm. As for traffic, we were able to turn because the lane was closed for maintenance. It would not have been possible to make these images otherwise.


MG: How does Follow Me fit into your body of work?


AMD: Concerning my previous videos, they date back a few years ago, for various reasons, this practice had been put aside. Follow Me/Follow me is a return to the medium, to a practice that allows me to be as close as possible to perception and feeling. It was the missing element of this documentary artistic investigation carried out about the southern urban highway of Nice.


MG: Can you tell us about your work as a whole?


AMD: Generally speaking, I am interested in concrete, which due to its plasticity, this material has been used massively in modern architecture and to transform the post-war landscape. For this, I am investigating a work or a site, resulting from major urban planning after 1950. From its archives, I reread its history and the construction of the project and on the ground I observe and discover a half a century later how it has anchored itself in this environment. Site photographs and technical documents allow me to produce model sculptures but also to create a story that combines reworked documents, photographic images and video.


MG: You are co-organizer of the Lyon 9PH Photography and Contemporary Image festival. Who is it?


AMD: In 2018 with Anna Tomczak, we took over from the Lyon September de la Photography festival, created by Gilles Verneret in 2001. This is how 9PH Photography and contemporary image was born, 9 for September and PH for photography.

This is a micro event, composed of round tables, dialogue and the Night of Photography (an open-air projection).

Each edition addresses a theme that guides our choice of invitations to photographers, artists and image theorists. During these public meetings, the theme of the year is debated from different angles and approaches, allowing us to share our questions and questions.


MG: What are these themes and what are the anthologies of the invited photographers? What is the 2024 edition?


AMD: The themes are around the urban, its environment and these stories. How we create society in or outside the city. The invitations are quite open and try to complement other similar events in France. Regarding the 2024 edition, we cannot yet comment…


June 2024

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